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RENCONTRE VERTIKAL : Christophe, guide à Fontainebleau

RENCONTRE VERTIKAL : Christophe, guide à Fontainebleau

“Au fond, j’crois qu’la Terre est ronde, pour une seule bonne raison, après avoir fait l’tour du monde, tout c’qu’on veut c’est être à Fontainebleau” nous explique un grand connaisseur du secteur 🌍 

C’est lors de la création de notre séjour d’escalade à Fontainebleau, site de bloc légendaire à l’international, que nous sommes tombés sur Christophe : grand passionné du caillou et de Bleau🌲

Alors quoi de mieux que de l’avoir interviewé sur son parcours de grimpe, de vie et de sa vision de l’escalade en général 🧗

C’est avec grand plaisir qu’on vous partage cette superbe interview de Christophe, un guide plus que passionnant (PS : on l’a également initié au Tu préfères 😁).

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis grimpeur depuis un peu plus de 40 ans. 

À la base, j’étais pas du tout d’un milieu de montagne, j’étais de région parisienne. J’ai fait une colonie de vacances aux Menuires où ils proposaient une journée avec un guide pour faire des sommets faciles, que j’ai bien évidemment fait.Et puis dans cette même colonie, il y avait une demi-journée sur des blocs côté Menuires. Le rapport avec le minéral, le fait de toucher la pierre m’a tout de suite plu.

De retour à Paris, tout le monde savait que dans la forêt de Fontainebleau y’avait des rochers où les gens grimpaient. Donc, j’y suis allé avec un copain qui avait aussi découvert l’escalade pendant les vacances et ça nous a tout de suite plu. J’ai découvert un truc que je voulais vraiment faire, que je ne connaissais pas avant et puis c’est devenu une passion extrêmement rapidement.

Du coup tu pratiques aussi un peu en falaise ?

Alors j’ai beaucoup pratiqué en falaise dans les années 90 mais j’étais quand même à Bleau aussi parce que je travaillais un peu à Fontainebleau comme moniteur d’escalade.

Comment es-tu devenu moniteur ?

J’avais besoin de bosser et je n’étais pas vraiment fan de la vie sociale, le travail machin… Je n’avais qu’une envie : grimper ! Y’a que ça qui me plaisait.

Être guide, c’était compliqué parce que je ne faisais pas de montagne et puis c’était dans les années 80, ce n’était pas si simple de devenir guide.

Puis j’ai trouvé l’opportunité de travailler comme moniteur d’escalade à la base de loisir de Buthiers qui n’est pas très loin d’ici (Fontainebleau). C’était mon premier job et à cette époque, y’avait pas de diplômes donc c’était du bouche à oreille. J’avais quand même mon BAFA donc je pouvais encadrer les enfants et les gens savaient que je grimpais donc ils m’ont embauché comme moniteur d’escalade. Et ça a commencé comme ça.

Qu’est-ce qu’il t’anime dans le fait d’accompagner des gens ?

C’est le partage de la passion, le fait de voir les gens qui apprécient grimper sur des rochers. Ça m’a toujours plu !

J’ai toujours bien aimé encadrer des groupes. On déconne un peu, on rigole, on travaille sérieusement, mais toujours dans une bonne ambiance. Et puis voir les gens progresser se faire plaisir et apprécier le fait d’être en nature bah franchement, c’est très positif en fait pour toi, pour eux, y’a rien à jeter.

Donc, vraiment, c’est chouette ouais, rien à dire.

Qu’est-ce qui t’attache à Fontainebleau ?

J’ai commencé à grimper ici parce qu’au niveau du rocher, il y en a qu’un au monde comme ça. Bleau, c’est Bleau en fait ! Tu demandes à n’importe quel grimpeur : qu’est-ce qui vous plaît à Bleau ? Bah en fait Bleau, c’est Bleau.

C’est le rocher, les lignes, la richesse, le potentiel hallucinant, c’est juste énorme.

T’as grimpé sur tous les secteurs ? 

Ouais, j’ai grimpé sur tous les secteurs, mais pas tous les passages. À une époque, je faisais partie de l’élite du haut niveau en bloc.

De mes 25 ans à mes 35 ans, j’ouvrais des blocs qui étaient parmi ce qu’il y avait de plus dur dans le monde à l’époque. Mais bon… maintenant j’ai passé un certain âge donc du coup. Y’a des trucs que je pourrais plus faire.

Je grimpe toujours assez fort, j’arrive à garder un niveau parce que je suis motivé et j’aime ça, c’est la passion qui m’anime, tant que je peux grimper, je grimpe hahaha et sur du rocher de préférence.

Est-ce que tu as fait de la compétition étant plus jeune ? 

J’ai fait les premières compétitions, non pas parce que j’aimais la compétition, mais parce qu’il y avait pas mal d’argent à gagner. Tous les grimpeurs d’une époque se sont dits que ça pouvait être pas mal.

Dans mon esprit, j’étais assez contre la compétition en général. Maintenant, c’est dans les mœurs et il n’y a pas de problème, chacun fait comme il sent.

En 86, j’ai fait le premier championnat du monde et je suis arrivé 16e, voilà. C’était ma seule expérience compétitive. 

Mais bon, c’était assez roots à cette époque là. C’est pas comme maintenant, c’était pas aussi bien organisé hahaha 😂.

Quel est ton secteur préféré à Bleau parmi tous ceux qui existent ?

Un secteur que je préfère à Bleau parmi tous… C’est difficile… tout est variable, tout dépend du projet. Honnêtement, c’est très compliqué.

Y’a le Rocher de la Reine qui est juste à côté, qu’est une face sud assez jolie. C’est tout en pente avec des blocs vraiment très beaux et je m’y sens bien. Je peux prendre un bouquin et bouquiner là alors qu’il y a des secteurs, tu grimpes et tu t’en vas. Même si tu trouves ça très beau, t’y reste pas vraiment. C’est difficile de dire pourquoi, mais c’est comme ça !

Tu connais la forêt par cœur du coup ?

Ouais je la connais bien à force de grimper tout le temps depuis que je suis ado. J’ai passé un temps incalculable dans cette forêt, autant dans les massifs qu’à chercher des nouveaux blocs et des voies à ouvrir. 

Et du coup t’as ouvert combien de passage environ ?

Énormément, je ne sais plus combien… Beaucoup de passage en 7, beaucoup de passage en 8.

Il y en a qui sont devenus des grands classiques de la forêt. Avec l’évolution de l’escalade, du potentiel et des grimpeurs, il y a comme un circuit touristique qui s’est créé. C’est un peu comme aller voir des monuments. Ça fait partie de l’histoire de l’escalade donc c’est des blocs à faire parce qu’ils ont à un moment fait partie de l’histoire. J’ai ouvert des passages qui sont gravés dans l’histoire de l’escalade à Bleau.

Peux-tu nous en citer quelques-un ? 

Il y a l’Atomic Playboy, il y a Big Bang à Buthiers, il y a Fata Morgana ou Cookie Bus.

Il y a aussi Opium, du côté de Recloses. C’est un secteur où il y a carrément aucun bloc facile. C’est un bel endroit assez paumé et j’ai ouvert beaucoup de passage là-bas. Opium est devenu un des grands classiques de la forêt.

Quand tu ouvres un passage, c’est toi qui donnes les noms et la cotation donc au bout d’un moment, tu te creuses la tête hahaha 😂

Est-ce que tu as ouvert d’autres passages dans le monde ?

Oui, j’en ai ouvert dans les Pyrénées à Ailefroide quelques-uns et dans les Hautes-Alpes. J’avais trouvé un secteur un peu perdu dans le Queyras où j’ai ouvert quelques blocs.

Quel est ton spot de bloc préféré dans le monde, outre Bleau ?

Mon top 3, c’est :

  • Eldorado Canyon aux États-Unis parce que c’est très beau, le grès fin est très joli.
  • Flagstaff mountain, où il y a un secteur avec des blocs roses magnifiques.
  • Hueco Tanks au Texas. Là, c’est dingue parce qu’à Bleau, tu peux te retrouver avec des secteurs où il n’y a pas de prises alors qu’à Hueco tout est grimpable. Le rocher est très fin, les lignes sont belles, l’ambiance “désert” est très jolie.

C’était une autre époque, le début des années 90. Il n’y avait pas beaucoup de grimpeurs de blocs à cette époque, c’était encore assez marginal et tu arrives là et tu dis “Ah là, je suis bien !”. Parce que tu as des lignes de partout, tout ce que tu aimes est là, tu es tout seul. C’était assez magique, j’en garde un souvenir extraordinaire.

Penses-tu qu’il y a un pays où il n’y a pas de spots de bloc ?  

Plus maintenant.

Avant, on se disait qu’il n’y a pas grand-chose, mais vu que l’activité bloc est devenue une activité majeure, les grimpeurs cherchent des secteurs. Ils en trouvent dans tous les pays du monde et des très bons secteurs qui n’étaient pas connus il y a 20 ans.

De base, l’Espagne n’était pas du tout une nation de bloc. C’était une destination de grimpeur de falaise et maintenant, on y trouve des secteurs majeurs comme Albarracin.

Je connais deux grimpeurs qui grimpent à Madrid et pas loin, ils ont développé un secteur monstrueux ! Bon, ce n’est pas Bleau hein, hahaha 😂

C’est bucolique, c’est très sauvage, mais par contre, c’est du granit très agressif… il pique les doigts.

La Suisse, c’est monstrueux ! En 25 ans, c’est devenu un des pays majeurs de l’escalade de bloc. C’est un des meilleurs parce que c’est là où il y a un potentiel énorme de lignes difficiles sur du granit du Tessin et ils trouvent encore de nouveaux secteurs. C’est très fréquenté, mais plutôt par des grimpeurs d’un certain niveau. Ce n’est pas très familial.

Alors que Bleau, c’est familial et c’est très beau parce que le sol n’est pas chaotique.

Quel est le grimpeur qui t’inspire le plus ?

En grimpeur de bloc, il y en a un qui m’a beaucoup inspiré et qui est devenu un ami d’ailleurs, c’est Fred Nicole. C’est maintenant un grimpeur d’un certain âge, mais qui a été un des précurseurs de l’escalade de très haut niveau. Dans la démarche et l’esprit, je m’y retrouvais, il y avait une connivence qui me plaisait beaucoup, qu’on a toujours d’ailleurs.

Dans les grimpeurs autres que le bloc, il y a Chris Sharma. Chris Sharma, c’est Chris Sharma ! Il n’y a rien à rajouter, il est très inspirant. C’est un super grimpeur, une légende, puis c’est l’esprit de la grimpe.

Tommy Caldwell aussi. J’ai eu l’occasion de grimper une fois avec lui. C’est un grimpeur comme je l’entends, dans l’esprit, dans la façon d’être, dans la façon dont il grimpe, un mec adorable, un mec bien.

Les grimpeurs ont souvent une réputation de personnes très abordables et saines d’esprit, est-ce que tu trouves cela vrai ?

Ça dépend du milieu en vrai. Les grimpeurs de compétition roulent un peu des mécaniques. Ce n’est pas le même état d’esprit.

Après ça, c’est souvent dans tous les sports. Ça roule un peu des mécaniques, ça se prend très au sérieux et puis ça rigole moins quoi.

Ce n’est pas tout à fait mon esprit. Je n’ai pas commencé à grimper comme ça et pour ça. Je voulais justement aller loin du sport de compétition et il n’y avait pas de compétition dans les années 80. Ça n’existait pas les grimpeurs n’en voulaient pas donc ça m’attirait. J’étais fasciné par ce mode de pensée et de vie, je voulais vraiment en faire partie.

Et du coup c’est cet esprit que tu retrouves dans les salles de bloc ?

Alors, ça dépend des salles. À Karma (c’est la salle que je fréquente le plus) : salle qui est en forêt de Fontainebleau ; l’ambiance reste relativement cool. Ça a beau être une salle fédérale, il y a beaucoup de grimpeurs extérieurs qui viennent en salle donc il y a un mélange.

J’ai eu vent que des personnes, ça fait 10 ans qu’elles grimpent, mais qui n’ont jamais mis les pieds sur un rocher. C’est hallucinant !

Du coup, pour finir une question un peu philosophique. Quelle est ta perception du développement de l’escalade avec l’ascension de l’escalade indoor?

Ça a complètement bouleversé l’esprit. C’est devenu un sport tout à fait comme un autre. C’est-à-dire que tu peux pratiquer l’escalade comme tu pratiques le football et le tennis.

Il y a quand même cette idée de monter, d’être en hauteur qui diffère un peu des autres sports. Mais il y a une telle population et c’est tellement différent qu’il y a un brassage énorme d’esprit différent, de perception différente de l’escalade, qu’en fait l’esprit d’origine qui était vraiment la philosophie, s’est complètement dilué et c’est devenu un sport tout à fait classique.

Aujourd’hui, tu peux très bien grimper sans forcément aimer la nature. Alors qu’avant, c’était un peu un critère et puis dans tous les cas, tu ne pouvais pas y échapper. Si tu voulais grimper fallait aller dehors. Maintenant, ça s’est transformé en discipline sportive où la performance devient un point extrêmement important dans le sens où tout le monde a envie de progresser et de devenir le plus fort possible.

Alors finalement c’était mieux avant ?

Je connais des jeunes qui m’ont dit : “P*****, j’aurais dû naître 20 ans plus tôt !”. Parce que c’était l’âge d’or. Il y a une vidéo qui s’appelle Bleau, qui a été tournée en 98 et c’était pendant la fin de l’âge d’or.

On se connaissait tous, on buvait le café et on allait grimper. Il n’y avait pas de salle donc on se donnait tous rendez-vous au Cuvier pour discuter et s’échauffer même si on n’avait pas de projet sur ce secteur.

Il y avait beaucoup de choses à faire, le niveau était toujours très ouvert et il y avait un esprit parce qu’on était une sorte de communauté qui maintenait un esprit particulier. Quand tu étais dans la forêt, tu sentais déjà l’esprit alors que maintenant, il y a des secteurs où l’esprit est dilué dans la masse de touristes.

L’esprit de Bleau fait dire aux gens qu’ils auraient dû naître 20 ans plus tôt. On était seul, tu arrivais en semaine, il n’y avait personne sauf au Cuvier où on se retrouvait. Il n’y avait pas besoin de réseaux sociaux, on se rencontrait. On était obligé de se rencontrer physiquement pour échanger.

Juline : Il y a une phrase qui m’a marqué c’est : “Avant on s’excusait de faire autre chose que de parler aux gens et maintenant on s’excuse pour parler aux gens”.  

Christophe : Mais oui ! C’est étonnant parce qu’il y a des grimpeurs qui sont tout le temps sur les réseaux sociaux, ils blindent tous les jours à fond et tu les rencontres en forêt et c’est tout de suite des grands timides pour dire bonjour Donc ouais, c’est étonnant parce que tu te dis : “Il va discuter”, alors qu’en fait c’est tout l’inverse hahaha. Ils ont presque peur “Ah ! Oh mon dieu, qu’est-ce qu’il faut faire un humain réel !” hahaha 😂

Et tu penses que les réseaux ça a aidé à développer le bloc ?

Alors, ça a aidé à développer l’activité. Notamment les vidéos, le fait de voir quelqu’un passer, ça change tout dans l’esprit, dans la façon dont tu l’envisages.  Ça fait énormément progresser le niveau de l’escalade. Avant, les progrès étaient plus lents parce que tu ne voyais pas les gens grimper. Il fallait être sur place et quand tu arrivais devant un bloc, il y avait un travail à faire. Il fallait visualiser donc ça limitait la progression exponentielle du niveau.

Quand est-ce que les premières salles sont apparues ?

Les premières salles comme tu les connais actuellement sont apparues dans les années 95 et en 2000 c’est l’explosion.

Mais vraiment l’explosion des salles c’était il y a une dizaine d’années et il y en a qui en fleurissent de partout tous les jours, tous les mois et puis c’est blindé, t’arrives tu te dis wow purée…

Quentin : Ca te met un coup à chaque fois là !

Christophe : Ah ouais le coup derrière les oreilles hahaha 😂

Quentin : Un petit coup de déprime où tu te dis : est-ce que vraiment j’ai envie ?

Juline : c’est pire que Bleau ce week-end (week-end de Pâques) hahaha 😂

Christophe : Ah ouais mais vraiment rien à voir Bleau et quand y’a full de monde dans les salles.

Quentin : D’ailleurs pas souvent sur les voies mais plus par terre hahaha 😂

Christophe : Bah ouais parce que tu fais un essai et c’est soit tu passes, soit tu tombes, surtout en bloc. 

Puis comme j’y bosse, j’ai vachement le temps d’observer les gens et ça a vraiment changé ! Je me dis : “Là, on est en train de perdre ce qui me semblait beau !”. Donc tu gardes ton esprit et puis vaille que vaille. Comme dirait certains, tu fais partie des derniers Mohicans de la forêt, le vieux renard.

Et voilà, c’était l’interview de notre super Christophe national ! Maintenant, on vous laisse avec le fameux « Tu préféres ». Bonne séance 😉

https://www.youtube.com/watch?v=1-Vt9-VFqUY
Tu Préfères avec Christophe !

Et vous, vous êtes plus escalade en bloc à l’extérieur ou à l’intérieur ?

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