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RENCONTRE VERTIKAL : Adrien Falewee

RENCONTRE VERTIKAL : Adrien Falewee

Partir sans jamais avoir randonné pour

une traversée de la Nouvelle-Zélande (3000 km)

C’est l’histoire d’une rencontre folle. On a eu la chance de pouvoir interviewer Adrien Falewee qui est parti en Nouvelle-Zélande pour traverser le pays sur 3000 kilomètres et tout ça sans jamais avoir randonné… Il a écrit un livre : « L’échappée Belle » qu’il a sorti le 3 juin 2021 où il raconte pourquoi et comment il a entamé cette traversée alors qu’il n’avait jamais randonné de sa vie.

On vous a retranscrit son interview, des anecdotes, quelques photos et un « Tu préfères ? ». Bonne lecture 😄

INTERVIEW

Peux-tu te présenter ?

Je suis née à Lille il y a 34 ans. 

J’ai fait des études scientifiques pour pouvoir entrer en école d’ingénieur : l’ICAM où j’ai pu créer un projet : l’experiment, formé autour de 3 axes : 

  • Faire ce que tu veux pendant 4 mois, 
  • S’auto-financer 
  • Et être éloigné géographiquement de là où tu te trouves de base.

Je suis donc parti en Australie en porte-conteneurs. Le voyage a duré un mois et demi, j’ai pu rencontrer des Néo-Zélandais sur le bateau et une fois arrivé en Australie, j’ai traversé le pays en auto-stop. C’est à partir de ce moment-là que j’ai pris goût au voyage initiatique !

Après mon diplôme, je suis parti en Amérique latine pendant 4 mois avec mon sac à dos. 

J’ai ensuite travaillé pendant 5 ans en tant qu’ingénieur chef de projet sur la confection d’une usine de gaz naturel liquéfié (dans le pétrole). J’ai démissionné car je voulais une année OFF pour entreprendre un nouveau voyage initiatique. Je suis donc parti en Nouvelle-Zélande pour traverser le pays à pied sur 3000 kilomètres. Puis j’ai écrit mon livre.

J’ai pu participer à une fresque du climat où j’ai pris une claque et 10 jours plus tard j’étais à la mer de glace où j’ai repris une claque. Je me suis donc dit qu’il fallait transmettre ce savoir et j’ai complètement changé : d’ingénieur dans le pétrole à acteur de la transition où je me suis auto-formé.

Actuellement je bosse sur 3 projets :

1.  Faire le tour de France sportif à mobilité douce sur 7000 kilomètres pour rencontrer les français et les sensibiliser sur le climat en faisant des fresques quiz. J’ai déjà fait un tiers en partant de Dunkerque pour aller jusqu’à Menton. J’ai fait du vélo, des raquettes dans le Jura et à pied dans les Alpes. Cette année je ferai la Méditerranée en kayak et les Pyrénées. Le but est de sensibiliser 7000 personnes aux enjeux climatiques.

2.  J’ai créé un collectif d’entrepreneurs dont l’objectif est d’aider les entreprises à gérer leur transition grâce à des ateliers Fresque du Climat, des bilans carbones, des accompagnements sur le long terme et des missions sur la transition écologique, énergétique et sur la sobriété dans les entreprises.

3.  Je suis bénévole dans une association d’entreprise dont l’objectif est d’accélérer la transition au sein du bassin annécien et d’en faire une référence en Europe. Il y a aujourd’hui 18 membres (Somfy, Salomon, BioCoop, Picture, Maped…). On aimerait arriver à 100, 200, 300 d’ici 5 ans.

Comment as-tu choisi cette destination et pourquoi avoir traversé la Nouvelle-Zélande ? Quel était le but ?

J’ai choisi la Nouvelle-Zélande pour plusieurs raisons. Lors de mon voyage en Australie quand j’avais 22 ans, sur le porte-conteneurs, nous étions 4 passagers et les membres de l’équipage. Les 3 autres passagers étaient des Néo-Zélandais de 60 ans avec qui j’ai beaucoup sympathisé. On apprend toujours beaucoup grâce aux relations intergénérationnelles. J’ai habité 1 an et demi en Australie et j’ai toujours eu le regret de ne pas m’être rendu en Nouvelle-Zélande pour rendre visite à mes amis alors que c’était la porte à côté. Malgré ça on a quand même gardé contact pendant 8/9 ans par lettre et mail une fois par an. J’ai aussi lu un livre de Mike Horn sur le pays qui m’a donné envie d’y aller.

Quand j’ai parlé de mon projet à un des passagers, il m’a dit qu’il voulait faire un bout avec moi alors qu’il a 65 ans. C’est devenu un très bon ami.

Finalement, j’avais envie d’aller marcher.

Je m’étais toujours dit qu’après 5 ans de travail, s’il n’y avait rien qui me retenait (enfants, copine…) je ferais une année OFF pour un projet personnel. Au final quand j’étais sur la route je n’avais qu’un seul objectif : faire 3000 kilomètres et faire chaque pas, donc pas de stop. Sur place j’avais ma sœur et des cousins et je leur disais « Écoutez, si vous voulez qu’on se voie c’est à vous de venir me voir, je ne peux pas m’arrêter, si vous voulez on fait un trip dans les montagnes ». Ils l’ont fait et ont adoré.

Comment fais-tu ton sac pour marcher 3000 kilomètres quand tu n’as jamais randonné de ta vie ?

J’ai pris pas mal de conseils auprès d’un ami de mon école qui lui avait fait 7500 kilomètres en Amérique Latine. J’ai aussi beaucoup regardé sur internet et j’ai travaillé sur 3 axes :

1.  Les équipements : « le plus léger possible » c’était mon seul critère. Peu importe le prix, il fallait que ça soit léger et que ça dure dans le temps. Les 3 choses les plus lourdes : la tente, le sac de couchage et le sac à dos. Tout ça peut vite peser 5 kg.

2.  La nourriture : c’est très important car sur 5 mois tu ne peux pas compter que sur tes réserves. Il faut manger entre 4000 et 5000 kcal par jour donc 2 à 2,5 fois plus que la normale. Mes repas d’une journée type c’était, le matin : muesli avec lait en poudre et miel. Le midi : wrap avec houmous, camembert et charcuterie. Et le soir : soupe miso en apéro et couscous royal.

Ma plus longue période sans pouvoir acheter à manger était de 12 jours donc j’avais 13 kg de nourriture dans mon sac le premier jour… C’était horrible ! Sur l’île du Sud c’était le plus compliqué en logistique bouffe parce que sur 1 mois et demi il n’y avait aucun commerce donc je préparais des colis à différents endroits (station essence, refuge, camping, centre aéré…)

3.  L’orientation et le parcours : j’ai utilisé une application qui s’appelle « Te Araroa » et l’application map.me (maps with me).

Quels étaient tes doutes avant de partir à l’aventure ?

Je n’en ai pas eu beaucoup mais quand même un petit peu. C’était « Est-ce que mon corps va tenir ? », parce que je venais de me remettre d’une pneumonie et d’une hernie discale. J’avais aussi très mal au genou quand je marchais en descente.

Et puis quelques jours avant de partir j’ai testé le matériel avec un ami pendant 4 jours dans le Vercors, on s’est pris des tempêtes de neige et j’ai su que j’étais prêt parce que j’avais le GPS et dans une tempête de neige si tu as juste une carte tu ne sais pas où tu vas.

La solitude ne me faisait pas peur car c’était aussi ce que je cherchais et tu n’es jamais vraiment seul car tu rencontres toujours du monde sur la route et le soir on mangeait ensemble. A un moment donné je suis resté 5 jours complètement seul et ça m’a totalement plu, car on vit dans une société où on est constamment en compagnie et je voulais vraiment avoir ce temps pour moi, pour faire mes propres choix et apprendre qui je suis et qui je veux être.

Je pense que chaque personne devrait partir seule au moins une semaine dans sa vie pour se rendre compte qu’en fait tu n’es jamais seul. Quand tu es seul, tu vas beaucoup plus facilement vers les autres.

Est-ce que pendant la préparation de la traversée de la Nouvelle-Zélande tu pensais déjà au côté écologique ?

Non je ne le faisais pas vraiment pour l’écologie, je n’y connaissais pas grand chose, j’y allais vraiment pour marcher et rien d’autre.

Quelle est la morale que tu ressors de ton voyage ?

J’ai retenu plusieurs choses :

  • Dans notre vie on a que 30 000 jours, qu’est-ce qu’on veut faire de notre vie ?
  • La destination est un moyen de continuer à avancer quand ça ne va vraiment pas, ce n’est pas seulement une finalité. C’est la même chose en randonnée ou quand on écrit un livre.
  • Ce type de projet on a plusieurs manières de le voir. Pour moi, il y a 3 choses importantes = Autoriser ton corps à faire ce qu’il peut faire + Persévérer et continuer à avancer : il ne faut pas faire les choses que quand on est motivé + Arriver à faire comprendre à son cerveau qu’il faut sauter le pas et arrêter de juste rêver, c’est pas grave si tu échoues, il faut essayer. Et quand tu sautes le pas, tu te rends compte que toutes les barrières que tu te mettais n’étaient que des excuses.

Quelles ont été tes galères pendant ton voyage ?

Ooooh oui, il y a un chapitre dans mon livre qui s’appelle « Quand tout va à vau l’eau », ça veut dire quand tout part en vrille quoi…

Vers la fin de mon trip, j’avais 6/7 jours dans les montagnes sans rien autour, ni connexion. Et là, en 3/4 jours tout est parti en cacahuète… rien de grave mais mon téléphone a pris l’eau à cause de trombes d’eau et ce jour-là j’ai décidé de ne pas le mettre dans une pochette plastique… Mon téléphone était mon GPS et mes cartes donc évidemment je n’ai pas trouvé de refuge pour m’abriter. J’ai décidé de poser la tente au bout de plusieurs heures de marche et je me suis abrité complètement trempé. J’ai décidé d’y passer la nuit et la tente à elle aussi pris l’eau… Le lendemain, je marchais dans les marécages, puis je suis arrivé face à une rivière de 200 mètres de large où tu ne vois pas le fond et les courants sont forts. J’ai décidé de faire demi-tour quand j’avais de l’eau jusqu’au bassin parce qu’à partir de là, c’est trop dangereux. J’ai dû faire un détour de 4 heures pour trouver un pont. Le 3ème jour, j’ai cassé mes lunettes en m’asseyant dessus, je n’avais toujours pas de GPS. Par miracle je suis tombé sur une carte mais je ne peux pas la prendre en photo donc j’ai essayé de la mémoriser. Le lendemain j’ai cassé un de mes bâtons de rando… et ma tente se monte avec les bâtons… donc je n’avais plus de tente. Quand mon bâton a pété j’ai rigolé, what’s next ?

Si un de nos lecteurs à envie de se lancer mais hésite, qu’est-ce que tu voudrais lui dire ?

Quand y’a un doute, y’a pas de doute, il faut y aller.

Je lui donnerai 2 conseils :

  • De construire un peu mieux son projet et de l’écrire.
  • Ne pas prendre de billet de retour car ça te stresse, ça te met une date butoir qui peut devenir dangereuse car ça te force à aller plus vite et ton corps peut ne pas suivre. Je ne me suis jamais mis de date butoir, il faut prendre le temps que ça doit prendre.

Et s’il y a juste le fait de sauter le pas qui te manque et bien c’est déjà très bien. C’est le plus dur mais c’est une fois que tu diras que tu n’as rien à perdre que tu y arriveras.

Citation de Bouddha que j’aime beaucoup : « Le problème c’est de penser qu’on a du temps. Le problème c’est qu’en procrastinant tu ne le feras jamais. »

Si trop souvent tu te dis « J’ai pas envie de le faire » à ton travail ou autre, c’est qu’il faut que tu changes quelque chose. Plus ce sentiment est fort, plus il faut vraiment changer. Il faut quand même avoir un plan avant de tout lâcher.

Comme moi, j’avais mon projet mais finalement je ne savais pas vraiment où ça allait me mener quand j’y repense. Aujourd’hui j’ai peut-être divisé mon salaire par 5 ou 6 mais je suis content. Les expériences d’ingénieurs m’ont beaucoup aidé pour les conseils en entreprise que je fais mais ça ne me manque pas du tout. Tout ce que tu fais et vis en amont, t’aide à aller là où tu veux.

ANECDOTES

« Quand je préparais mon voyage j’ai regardé pendant 3 jours non stop Google Earth méticuleusement pour dessiner mon tracé. Puis un jour j’ai découvert qu’un chemin existait déjà : « Te Araroa » = la longue route en Maori. C’est une sorte de long GR qui fait la traversée du pays où je peux télécharger les cartes gratuitement. Je l’ai donc utilisé pour gagner du temps et vu que je connaissais pas, c’est ce qui m’allait. Je n’avais pas d’objectif de vitesse donc si je voulais faire un détour par un endroit, j’y allais et je reprenais le chemin ensuite. Mon seul objectif était de faire tous les pas du point Nord au point Sud. »

« Je suis partie en mode Néo-Zélandais avec mes 10 kg de nourritures sur le dos alors qu’il y avait des refuges partout donc je n’en avais pas besoin. Ils m’ont tous appelé l’épicier Corse. »

« Pour écrire mon livre, je suis partie au Vietnam. J’écrivais entre 12h et 15h par jour. En 3 semaines, j’ai écrit 80% du livre, c’est pour ça que je suis parti : pour avoir tout le temps pour m’y consacrer. Ce livre est un récit de voyage qui s’appelle « L’échappée Belle » avec des petites citations, c’est en quelque sorte mon état d’esprit à chaque moment du voyage. »

TU PRÉFÈRES ?

Tu préfères…

REMERCIEMENTS

Léa (ancienne alternante chez Vertikal) pour la préparation de l’interview, sa bonne humeur et sa bienveillance !

Adrien pour le temps qu’il nous a consacré pour partager son incroyable aventure et ses expériences de vie !

L’Échappée Belle par Adrien Falewee
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